Le premier problème vient du fait que les différentes langues n'ont pas la même façon d'articuler les occlusives sourdes:
Sur ce schéma, vous voyez [pa] observé sur un oscilloscope. Ce document se lit de gauche à droite. Au début, la courbe est plate. C'est le moment où, la bouche étant fermée, l'air s'accumule derrière les lèvres. La courbe quitte tout-à-coup la ligne zéro, et une vibration a lieu: elle représente la voyelle [a].
Le premier battement de cette vibration est l'explosion du [p]. Rien de bien enthousiasmant pour l'instant.
Regardez à présent le document n°2. Il représente aussi /pa/, mais prononcé par un Allemand. Vous reconnaissez le début plat, la vibration du [a], mais l'explosion du [p] est beaucoup plus forte que pour le français, et entre l'explosion et la voyelle, on dénote une dépression, un trou assez important. A quoi est due cette différence?
✷ Le Français:
✷ L'Allemand:
Ce problème ne serait pas très important si ce [h] ne faisait pas partie d'un système.
Il est banal de dire qu'en français, les consonnes sourdes et sonores s'opposent. Par exemple, poisson et boisson ne s'opposent que par le [p], qui est sourd, et le [b], qui est sonore. Tout le reste est identique. Nous savons, en effet, que [b] est un [p] sonore. L'oscillogramme n° 3 le montre bien: pour [ba], la ligne n'est plus plate: il y a une vibration, qui correspond à l'activité des cordes vocales.
La différence entre [p] et [b] est donc fondamentalement une différence sourde / sonore.
Notons aussi deux différences annexes:
Si vous regardez maintenant l'oscillogramme n°4, réalisation allemande de [b], vous verrez qu'il n'y a pas de vibrations avant l'explosion de l'occlusive. Ainsi, le /b/ est réalisé sans vibration des cordes vocales. Ce /b/ allemand est donc un /p/ français.
En fait, il y a des Allemands qui réalisent les occlusives sonores comme les Français, d'autres, les plus nombreux, les réalisant sourdes. Donc, pour les Allemands:
La différence fondamentale entre /p/ et /b/, c'est que [p] est réalisé avec un souffle [ph], alors que /b/ est réalisé sans souffle, [b] ou [p].
Vous voyez sans peine le problème qui se pose pour le [p], que les Français identifient comme un /p/, alors que les Allemands l'identifient comme un /b/.
Si une Allemande (ou encore une Autrichienne ou une Suissesse alémanique) commande une bière dans un café, et qu'elle ne parle pas trop bien le français, elle peut très bien commander: [ynpjɛR], ce qui amènerait le garçon à comprendre: une pierre. Heureusement, les pierres ne font pas partie des boissons disponibles, si bien qu'il ne s'en rendra sans doute pas compte.
Le problème serait différent si cette cliente de café travaillait sur un chantier, où se trouvent aussi bien des pierres que des bières.
Le problème révèle toute son ampleur si l'on essaie de trouver d'autres exemples:
et si l'on sait que la différence entre sourdes et sonores n'existe guère pour les constrictives allemandes, , le problème devient encore plus inquiétant:
Le phonème /ɲ / n'est pas très important, puisqu'il a une fréquence d'emploi de 1/10000. Pourtant, c'est un bon exemple de tricherie.
/ɲ / est une consonne occlusive médiopalatale sonore nasale. Dans la phase d'occlusion, la pointe de la langue se place contre les dents inférieures, et c'est le dos de la langue qui vient toucher le palais dur.
Les étrangers ne disposant pas de ce phonème vont le réaliser en deux étapes:
■ comme il s'agit d'une nasale, ils prononcent d'abord /n/ (pointe de la langue contre les alvéoles.
■ Et comme il s'agit d'une palatale, ils rajoutent la constrictive palatale /j/.
Cette tricherie n'est pas bien méchante. Il est d'ailleurs bien difficile de distinguer, à l'oreille, la copie de l'original.
Le coup de glotte /?/ est une consonne occlusive sourde laryngale. Cela signifie que l'occlusion est faite par la fermeture des cordes vocales, comme quand on veut tousser.
En allemand, il n'y a pas de mot qui commence, oralement parlant, par une voyelle. En effet, un mot comme Aachen (=Aix-la-Chapelle) se prononce /?a:xn/.
Le français n'utilise le coup de glotte que dans un cas spécial: lorsqu'il veut produire une voyelle très forte. Par exemple, si un enfant traverse devant un autobus, on va crier: « attention! » en faisant précéder le /a/ d'un coup de glotte, ce qui lui donnera une amplitude beaucoup plus grande.
Dans les autres cas, le français ignore le coup de glotte. Cela lui pose d'ailleurs des problèmes lorsqu'il y a contact entre deux voyelles, que l'on nomme hiatus. Le passage d'une voyelle à une autre est difficile, car on entend toutes les positions prises par la langue passant de la position de la premières voyelle à la position de la deuxième.
Pour éviter ce choc, la langue a recours à plusieurs méthodes:
En revanche, le locuteur allemand, qui va utiliser un coup de glotte, même en français, n'aura pas besoin de faire de liaison, puisqu'il place, devant les mots qui commencent par une voyelle, la consonne [?].
On conviendra que ce coup de glotte ne facilite pas l'apprentissage correct du français. Ainsi, le locuteur allemand dira sans sourciller [ilaRiv] pour [ilzaRiv], mettant un pluriel au singulier.
Vous avez déjà compris que nous retrouverons tous ces problèmes dans divers autres chapitres.
Le problème des sourdes / sonores, que nous avons largement abordé à propos des occlusives, atteint aussi les constrictives.
[s] [z]
Le problème est encore plus grave lorsqu'il atteint les liaisons, surtout celles qui traduisent le pluriel:
[ z ] [ s ]
Le /r/ est un problème pour les anglophones, qui ont un /r/ à un seul battement, qui font qu'on les reconnait de loin.Mais le /r/ placé après voyelle, en fin de syllabe, est encore plus problématique.
En effet, les anglophones et les germanophones réalisent le /r/ en position finale comme une voyelle, ou, après un /a/ ou un /o/, se contentent d'allonger la voyelle.
En français, le /r/ vocalique est inconnu, et il passe inaperçu. Cela revient à ignorer tous les /r/ après voyelle.
Par exemple, le mot porte devient alors [po:t], que le Français identifie comme pote (=ami, en langage familier), le mot sorte devient [so:t], sotte, etc...
Cette faute est d'autant plus ennuyeuse que le /r/ est le son le plus employé du français, et qu'il se retrouve mêlé à la conjugaison (sortirent), et dans les terminaisons féminines d'adjectifs (fière, primesautière) et de noms de métiers (boulangère, couturière, meunière), sans compter les mots masculins en -eur...
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